Version des faits par le chirurgien
Docteur Jérôme MANUCEAU
Depuis fin septembre 1995, la population (1600 habitants) de la Désirade, petite île dépendante de la Guadeloupe est victime d'un grave problème de Santé Publique, non élucidé à ce jour.
› La DDASS et le RNSP (Réseau National de Santé Publique) ont été tenus au courant dès le début par le médecin de l'île, le Docteur Louis-Marie LE CABELLEC (Médecin sentinelle). Ils n'ont commencé à s'intéresser à cette affaire qu'en janvier 1996 (4 mois après le début de la crise) en contactant le médecin de l'île et moi-même, téléphoniquement, pour nous demander notre opinion.
› Ayant éliminé moi-même une yersiniose, par des sérologies et la mise en culture des appendices de mes patients, la DDASS et le RNSP se sont orientés vers une seule hypothèse alternative, érigée en conviction : la cupidité et le compérage entre le Docteur Louis-Marie LE CABELLEC et moi-même, son correspondant en chirurgie viscérale, à Pointe-à-Pitre.
Cette " hypothèse " reposait sur deux faits. D'une part :
- 80 % des désiradiens ont été opérés par moi-même (ils ne connaissaient pas la pratique des médecins spécialistes, correspondants).
- A leur connaissance, il n'y a pas de précédent dans la littérature mondiale (y en avait-il pour le SIDA, la " vache folle ", l'amiante ou le virus ebola ?) .
Et une conviction à priori, d'autre part :
- L'eau ne peut en aucun cas en être la cause. Elle est distribuée par la SOGEA, filiale de la Compagnie Générale des Eaux, actuellement VIVENDI. Pourtant, dès le début, l'eau a été désignée par le Docteur Louis-Marie LE CABELLEC et les désiradiens, à cause de sa couleur, son odeur, les vers qui sortaient des robinets et de la vague de gastro-entérites qui a débuté cette affaire. Ces problèmes apparurent à la suite de la rupture de la canalisation sous-marine en septembre 1995, au cours du cyclone LUIS et des trois semaines qu'il a fallu pour la réparation (canalisation amenant l'eau potable de la Guadeloupe à la Désirade).
› A l'appel au secours des désiradiens et du Docteur Louis-Marie LE CABELLEC, une explication préfabriquée a été mise au point par les autorités sanitaires locales et nationales.
Elle se résume en quelques mots :
La population désiradienne a été victime d'une "psychose collective" d'appendicites aiguës "imaginaires". Les responsables étaient les Docteurs Louis-Marie LE CABELLEC et Jérôme MANUCEAU. Le mobile était l'argent.
De toute évidence, il était criminel d'invoquer une quelconque pollution de l'eau.
› En temps normal, il n'y a que 4 appendicites par an, sur l'île. Entre octobre 1995 et juin 1996, soit neuf mois, il y en a eu environ 220 opérées dont 176 par moi-même et 40 par d'autres chirurgiens. Ces seuls 40 actes réalisés par d'autres étaient déjà dix fois trop.
Dans leur théorie ils ont ignoré :
- Toutes les pathologies autres qu'appendiculaire. Pourtant plus de la moitié de la population a été touchée (douleurs abdominales diffuses, problèmes cutanés de type allergique)
- Que durant les quatre premiers mois, la presque totalité des malades était de jeunes enfants,
- Les 40 Désiradiens qui ont été opérés par d'autres chirurgiens que moi-même.
- Les médecins anesthésistes qui ont témoigné devant l'Ordre Régional des Médecins. Ils ont examiné les patients avant les interventions et vu les appendices pathologiques sur les moniteurs ( j'opère sous coelioscopie).
- Les histologies des appendices.
- Que les désiradiens qui ne buvaient pas l'eau du réseau n'ont pas été touchés par l'épidémie (il y en a beaucoup, car nombreux ceux qui ont une citerne individuelle).
- Les vers recueillis aux robinets, par les désiradiens et qu'ils sont venus leur montrer.
- Que la crise s'arrêta brutalement fin juin lorsque le Docteur Louis-Marie LE CABELLEC demanda aux désiradiens de ne plus boire l'eau du robinet
› Le plus grave est que l'enquête a été menée par des médecins qui n'étaient ni chirurgiens, ni même praticiens. De plus, ils n'ont aucune compétence en matière de pollution d'eau. Pourtant, ils n'ont consulté aucun chirurgien et aucun spécialiste de l'eau, sur ce dossier.
› Le 22 juillet, soit 10 mois après le début de la crise et 3 semaines après la fin de celle-ci, arrivent en Guadeloupe deux médecins du RNSP pour mettre par écrit une mascarade d'enquête, montée de toute pièce.
Pour prouver qu'il n'y a pas eu d'appendicite, ils ont :
- Interrogé, en juillet 1996, les patients opérés en juin 1996 (donc les derniers de l'épidémie),
- Examiné les analyses de sang des premiers patients, pour lesquels, il n'y avait pas d'hyperleucocytose,
- Fait relire par l'Hôpital Necker, les 53 premières lames (elles concernaient des enfants)
- Gardé secret le rapport de l'Hôpital Necker et déclaré qu'il n'y avait qu'un seul appendice malade.
Ce qui frappe d'abord : c'est l'erreur grotesque de méthodologie épidémiologique (cf page : Annexe / Expertise du Pr Noirclerc) : aucune des trois séries ne constitue un échantillon au sens statistique du mot. C'est curieux pour des épidémiologistes.
Ensuite :
- Ils ignorent que si l'interrogatoire est un élément important du diagnostique clinique, l'élément capital est l'examen de l'abdomen et qu'en aucun cas, on ne peut discuter un diagnostique clinique appendiculaire sans cet élément (cf page : Annexe / Témoignages des Professeurs Delpero et Le Treut et des Docteurs Doremieux, Dubau, Fromont et Hans).
- Ils ignorent qu'il n'y a pas d'analyse de sang typique d'appendicite aiguë et que l'on peut avoir une péritonite appendiculaire avec une analyse de sang normale. On ne peut donc rien conclure sur une statistique d'analyse de sang, si ce n'est qu'elles se ressemblent beaucoup, et que donc l'étiologie des troubles est probablement commune.
Quant aux histologies, le Conseil National de l'Ordre des Médecins a pu obtenir, en juillet 1997, le tableau récapitulatif de l'Hôpital Necker (cf page : Aspect Medical / Expertise des Histologies). On constate qu'aucune des 53 lames n'est qualifiée de normale et que toutes sont parfaitement compatibles avec une symptomatologie appendiculaire. Pourquoi ont ils refusé de faire relire les 116 lames d'avril, mai et juin 1996 (cf page : Annexe / Liste des Histologies), qui concernaient surtout des adultes et présentaient des atteintes histologiques beaucoup plus graves ( 82% de pan-appendicites aiguës dont 54% de péritonites) ?
Pour prouver que l'eau était de bonne qualité, ils présentent les analyses d'octobre, novembre et décembre 1995 puis celles de juillet 1996 faites à Paris.
Lorsque l'Ordre National des Médecins leur demande les analyses de janvier à juin 1996, ils ne présentent que celles du 19 avril 1996 (cf page : Historique / Analyse de l'Eau de la Désirade / Analyse 19-04-1996) sur lesquelles, il y a écrit 5 fois sur 6 : EAU NON POTABLE.
› Le 1er août 1996, la Directrice de la DDASS, et le Préfet demande au Procureur de porter plainte contre X pour" violences ayant entraînées mutilation ou infirmité permanente", pourtant, il n'y a eu aucune complication chirurgicale. De toute évidence, cette plainte a eu pour but de saisir tous les dossiers et mettre sous scellés les histologies de façon à enterrer l'affaire par un non-lieu ultérieur.
› Le 11 août 1996, après deux sabotages sur sa voiture, il y eut une tentative d'assassinat (cf page : Historique / Tentative d'Assassinat / Histoire d'un assassinat manqué) sur le Docteur Louis-Marie LE CABELLEC (traversé par un poignard de 40 cm entré dans la région cardiaque et sorti dans le dos, au niveau lombaire gauche). La gendarmerie conclue a une "tentative d'autolyse à but publicitaire pour défendre sa cause" (cf page : Historique / Tentative d'Assassinat / Enquête de police). L'expertise demandée par le Docteur Louis-Marie LE CABELLEC au médecin légiste du Morbihan, contredit évidement cette thèse (cf page : Historique / Tentative d'Assassinat / Expertise du médecin légiste).
› Le 12 août 1996,la Directrice de la DDASS, porte plainte à l'Ordre Régional des Médecins (cf page : Historique / Ordre des Médecins / Instance Régionale) contre les Docteurs Louis-Marie LE CABELLEC et moi-même. En février 1997, l'Ordre des Médecins rend public sa décision : il déboute Mme NIEGER.
› Dès lors, au mois de mars 1997, les autorités sanitaires locales et nationales, lancent une campagne extraordinaire en direction de l'opinion publique Guadeloupéenne et Nationale, affirmant que la qualité de l'eau à la Désirade est parfaite, qu'il n'y a jamais eu de problème de santé, que l'Ordre Régional des Médecins s'est trompé et annonce l'appel à l'Ordre National.
Résultat : certains désiradiens les ont cru et se sont remis à boire l'eau du robinet.
La conséquence a été spectaculaire : alors que le médecin de l'île n'est plus le Docteur Louis-Marie LE CABELLEC, j'ai hospitalisé en trois mois, entre avril et juin 1997, une quarantaine de patients pour douleurs abdominales. Vingt cinq ont été opérés.
› Finalement, tout se passe comme si c'était VIVENDI qui dirigeait la politique de Santé sur la Désirade. Il est vrai que ce sont ses multiples filiales qui ont effectué les travaux d'adduction et la Compagnie Générale des Eaux (CGE) qui fournit l'eau.
Cette extraordinaire histoire se comprend mieux, lorsque l'on sait que tous les pouvoirs sur l'île sont tenus par les membres d'une même famille :
- Monsieur le Maire, en toute illégalité, est un employé de la CGE et rémunéré en tant que tel ; il est aussi membre du SIAEAG (Syndicat Intercommunal d'Alimentation en Eau et Assainissement de la Guadeloupe) et Conseiller Général
- Son frère, le responsable de la distribution de l'eau
- Sa soeur, la secrétaire
- Et sa femme, la responsable DDASS départementale. Elle était chargée des prélèvements d'eau pour l'analyse jusqu'en octobre 1996.
› Le Conseil Disciplinaire de l'Ordre National des Médecins (cf page : Historique / Ordre des Médecins / Instance Nationale) s'est réuni le 9 juillet 1998 pour examiner l'appel de la DDASS.
Deux décisions curieuses ont été Prononcées :
- Le Docteur Louis-Marie LE CABELLEC a été blanchi et l'explication donnée contredit totalement le rapport du RNSP
"Considérant qu'il ressort de l'instruction que confronté à une très difficile situation sanitaire, résultant d'une multiplication de troubles abdominaux dont l'origine était incertaine, le Docteur LE CABELLEC, seul praticien installé sur cette île, a examiné de façon consciencieuse les malades qui l'ont consulté et a cherché à mettre en oeuvre des traitements appropriés avant de les adresser à un chirurgien en vue d'une éventuelle appendicectomie ; qu'il est établi par l'instruction qu'aucun compérage n'a existé entre le Docteur LE CABELLEC et le chirurgien qui a ensuite opéré la majorité des patients ; que dans ces circonstances, le Docteur LE CABELLEC a donné aux soins qu'il a prodigués à ses patients toute l'attention nécessaire, sans faire courir aux intéressés de risque injustifié et sans qu'il puisse lui être reproché de ne pas avoir recherché le concours d'autres médecins ; qu'il a pu, dans l'intérêt de la santé publique, et sans manquer à la mesure, recommander aux habitants de la Désirade, eu égard aux caractéristiques de la situation constatée, de ne consommer que l'eau minérale".
Précisons que le Docteur Louis-Marie LE CABELLEC ne peut plus exercer à cause de graves séquelles secondaires à la tentative d'assassinat. Il a quitté la Guadeloupe et vit depuis janvier 1997, chez lui en Bretagne.
- J'ai reçu un blâme et l'explication donnée est étonnante :
"Si les difficultés de la situation sanitaire existant dans cette île, où se multipliaient les troubles abdominaux, à l'origine incertaine pouvaient justifier les premières de ces interventions chirurgical- les..., le Docteur Jérôme MANUCEAU a néanmoins commis une faute en continuant pendant prés d'un an de pratiquer de façon répétitive et systématique un acte chirurgical dont la nécessité n 'était pas assurée et qui présentait dès lors pour les patients un risque injustifié."
On me reproche donc d'avoir opéré les 116 patients d'avril, mai et juin 1996. Mais comment expliquer ce reproche lorsque l'on connaît les résultats de l'histologie cité ci-dessus (cf page : Annexe / Statistiques des Histologies)
Précisons que j'exerce toujours à Pointe-à-Pitre et continue à dénoncer le scandale de la Désirade. Que dans ce combat, je suis soutenu par ses patients désiradiens qui ont signé une déclaration individuelle, précisant qu'ils avaient souffert avant l'intervention et que les douleurs avaient disparues après.
En conclusions, nous dirons que beaucoup de médecins (chirurgiens, anesthésistes et histologistes) ont été mêlés à cette affaire. Aucun n'a été inquiété, en dehors du Docteur Louis-Marie LE CABELLEC et moi-même. Nous avons été les seuls à dénoncer ce scandale.