Décision du Conseil Régional
de l'Ordre National des Médecins
Docteur Le Cabellec
ORDRE NATIONAL DES MÉDECINS
Conseil Régional des Antilles et de la Guyane Française
JURIDICTION PROFESSIONNELLE
DE PREMIÈRE INSTANCE
80, Rue de la République
97200 Fort-de-France
Tél. 0596 63 27 01
Fax 0596 60 58 00
AUDIENCE PUBLIQUE DU SAMEDI 14 DÉCEMBRE 1996
(Rôle 059/96)
Plainte du Directeur Départemental | à |
L'encontre du Docteur Louis-Marie LE CABELLEC
|
Président : Docteur Yves NAUDILLON
Secrétaire : Docteur Victor JOACHIM
Rapporteur : Docteur Renald ARISTIDE
Vu la plainte du Directeur des Affaires Sanitaires et Sociales de la Guadeloupe reçue le 18 août 1996 au Conseil Régional des Antilles et de la Guyane Française diligentée à l'encontre du Docteur Louis-Marie LE CABELLEC, médecin généraliste, exerçant à Petite Anse (Baie-Mahault) à la DÉSIRADE, inscrit au tableau de 1'Ordre des médecins de la Guadeloupe sous le N° 1.456, en raison "de pratiques médicales contraires aux règles de bonnes pratiques cliniques et de santé publique" ;
Vu les moyens utilisés par le Directeur Départemental des Affaires Sanitaires et Sociales pour étayer sa plainte notamment
- le code de déontologie dans ses articles 6, 8, 33, 40, 13, 20, 32, 33, 35, 45
- le rapport d'épidémiologie du Réseau National de Santé Publique ;
- les observations de 79 personnes interrogées à la Désirade ;
Vu la défense du Docteur LE CABELLEC
Vu le code de la Santé Publique ;
Vu les autres pièces du dossier et produites au débat ;
Vu le code de la Santé Publique ;
Vu le code de déontologie médicale ;
Vu le décret du 26 octobre 1946 modifié ;
Ouï le Docteur ARISTIDE, conseiller rapporteur en son exposé ;
Ouï Maître Denise TERRASSE-GIROUD, assistant le Docteur LE CABELLEC, en sa plaidoirie ;
Ouï le Docteur LE CABELLEC qui parle le dernier ;
Le Conseil Départemental de l'Ordre des Médecins de la Guadeloupe, dûment convoqué ne s'étant pas fait représenter ;
RAPPEL DES FAITS
Dans l'île de la Désirade, dépendance de la Guadeloupe, entre août 1995 et juin 1996 s'est produite une flambée de syndromes douloureux abdominaux.
Le Docteur Louis-Marie LE CABELLEC, médecin installé dans l'île suspectant dans nombre de ces cas l'hypothèse de crise d'appendicite aiguë adressa ces malades pour la plupart à un chirurgien, le Docteur MANUCEAU. Ce dernier confirmant le diagnostic a pratiqué les appendicectomies suivant la technique coelio-chirurgicale.
La Direction des Affaires Sanitaires et Sociales s'émeut du phénomène qui, en raison de son ampleur prend la forme d'un problème de santé publique. Cette administration déclenche une enquête utilisant les services du Réseau National de Santé Publique et du Laboratoire d'Anatomie-pathologie de l'Hôpital Necker à Paris.
Les résultats de l'enquête semblant mettre en doute le diagnostic d'appendicite porté par le Docteur LE CABELLEC, la DDASS saisi le Conseil Régional à l'encontre de ce médecin qui selon elle aurait contrevenu aux articles 6,8, 13, 20, 32, 33, 35, 40, 45 du code de déontologie et R. 710 2 - 1 du code de la Santé Publique.
Le Docteur Louis-Marie LE CABELLEC réfute point par point l'accusation et soutient que face à cette morbidité abdominale massive atteignant les désiradiens ses soupçons se sont portés sur l'eau de boisson. En effet, après le passage de l'ouragan tropical Luis, la conduite d'eau sous-marine alimentant l'île en eau potable, rompue, a été réparée pour alimenter à nouveau le réservoir d'eau de l'île, jamais entretenu. Ainsi pendant la période incriminée, l'eau issue dudit réservoir était totalement impropre à la consommation. Aussi a-t-il conseillé aux Îliens de ne consommer que de l'eau minérale, après quoi les phénomènes pathologiques ont régressé de manière spectaculaire.
Attendu que, face à un fléau sanitaire se présentant dans sa région le Docteur LE CABELLEC a rempli en conscience son double rôle de thérapeute et d'épidémiologiste ;
Attendu que le fait pour un médecin généraliste d'adresser ses patients préférentiellement - "systématiquement" dit la DDASS - à tel ou tel spécialiste ou chirurgien constitue une pratique habituelle fondée sur la confiance, et n'est nullement assimilable à une faute dés lors que ce choix ne s'accompagne d'aucun échange d'avantages matériels ;
Attendu que tout indique, et notamment l'attachement passionné de la population à sa personne, que le Docteur LE CABELLEC faisait preuve dans son exercice professionnel d'une conscience et d'un dévouement exemplaire ;
Attendu que, dans les circonstances qui étaient celle de la petite île de la Désirade et en raison de la nécessité urgente d'agir, il ne peut être fait grief au Docteur LE CABELLEC de n'avoir pas attendu dans ses conseils au public toutes les confirmations prescrites par l'article 13 du code de déontologie.
PAR CES MOTIFS
Le Conseil Régional, après un avoir délibéré conformément à la loi, décide :
Article I : Le Docteur Louis-Marie Le CABELLEC est relaxé des fins de la poursuite.
Article II : Cette décision prendra effet au 15ème jour à compter du jour où elle sera devenue définitive
Article III s La présente décision sera notifiée :
au Conseil Départemental de l'Ordre des Médecins de la Guadeloupe qui la notifiera dans les dix jours
* au Directeur Départemental des Affaires Sanitaires et Sociales
* au Préfet de Région
* au Procureur de la République
* au Ministère de la Santé
Ainsi fait et jugé par le Conseil Régional des Antilles et de la Guyane Française en son audience publique du samedi quatorze décembre mil neuf cent quatre vingt seize où siégeaient les Docteurs :
- Victor JOACHIM
- Maurice MICHEL
- Félix AMAR
- Roger LOUPEC
- Jean PLUMASSEAU
- Renald ARISTIDE, rapporteur.
Le Président Docteur Yves NAUDILLON | Le Secrétaire Docteur Victor JOACHIM |