Une terre antillaise ravagée par un mal mystérieux
Article Le Figaro, "LA VIE SCIENTIFIQUE", page 11
Vendredi 2 janvier 1998 (N° 16 605)
L'article qui suit, est l'exposé le plus clair de la position officielle, dans cette affaire. Il résume parfaitement le Rapport d'Investigation du Réseau National de Santé Publique, dont l'un des auteurs est justement le Dr Philippe Quénel interrogé ci-dessous. Cet article fait l'objet de deux plaintes en diffamation.
Il est constitué d'une suite d'affirmations pseudo-scientifiques, mensongères, diffamatoires pour les médecins et insultantes pour les Désiradiens.
Nous proposons une analyse de cet article à la page " LES MENSONGES DES AUTORITÉS SANITAIRES ".
Une terre antillaise ravagée par un mal mystérieux
Psychose de l'appendicite sur l'île de La Désirade
Les médecins avaient confondu des troubles digestifs avec l'inflammation de l'appendice. Résultat : 13% de la population opérée, en majorité pour rien.
Enquête sur une panique.
En moins d'un an, entre septembre 1995 et juillet 1996, 13 % des habitants de l'île de La Désirade, près de la Guadeloupe, ont été opérés de l'appendice. A titre de comparaison en France, 0,5 % de la population chaque année se fait enlever l'appendice. Cette épidémie incroyable d'appendicectomies était-elle due à une substance toxique présente dans l'environnement, une infection transmise par l'eau, un nouveau virus ? Dans un véritable climat de psychose, une longue enquête de la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) et du Réseau national de santé publique (RNSP) a finalement conclu que les comportements médicaux inadaptés de toute la chaîne de soins étaient en réalité à l'origine de ce phénomène. Une histoire vraie qui pose concrètement le problème de l'évaluation des pratiques en médecine.
Le 7 mars 1996, le service d'action sanitaire de la DDASS de Guadeloupe contacte le Réseau national de santé publique pour signaler la survenue depuis septembre 1995, de 50 à 60 cas d'appendicite aiguë sur cette petite île qui compte 1605 habitants.
C'est d'ailleurs l'unique médecin de cette agglomération qui a donné l'alerte en novembre 1995. Jamais dans la littérature médicale mondiale une épidémie de ce type n'a été décrite. Sur l'île, il y a en tout et pour tout sur le plan sanitaire, un médecin, un pharmacien, un dentiste et une infirmière. Les patients nécessitant une intervention ont pris l'habitude d'aller en Guadeloupe, dans une même clinique, voir le même chirurgien à Pointe-à-Pitre.
Dans un premier temps, les enquêteurs de la DDASS ont fait faire des examens biologiques sur les personnes opérées à la recherche d'une yersiniose, une infection transmise par contamination alimentaire et responsable d'un syndrome ressemblant à l'appendicite aiguë. Les résultats Sont négatifs. Sur l'île, l'inquiétude s'étend. Le médecin dénonce l'eau du réseau de distribution qui, à ses dires, serait polluée en raison des cyclones de novembre 1995 ayant endommagé le château d'eau. Les choses s'enveniment. Le maire et sa femme sont accusés de mentir et ne pas avoir fait entreprendre des travaux de réfection de qualité... Les contrôles sanitaires effectués sur l'eau du robinet s'avèrent normaux et conformes à la réglementation.
Et le nombre d'opérés continue d'augmenter : d'août 1995 à avril 1996, trois cas hebdomadaires ; de mai 1996 à juillet 1996, 10 cas par semaine. Pour la seule période du 10 au 17 juin, 30 malades subissent l'intervention en urgence. Un vent de panique se lève alors sur La Désirade, L'épidémie d'appendicites de vient l'unique sujet de préoccupation et de conversation.
Une enquête approfondie
Les mères ne savent plus quoi faire pour protéger leurs enfants ; les gens s'examinent, s'angoissent au moindre trouble digestif, consultent le médecin et se font opérer dans les 24 heures, de peur d'une péritonite appendiculaire. Au total, 206 habitants de l'île sur les 1605 ont subi une intervention entre septembre 1995 et juillet 1996, soit 13% de la population.
L'équipe du Réseau national de santé publique se rend sur place en juin 1996 pour mener une enquête approfondie. Elle rencontre le médecin, le pharmacien, le maire, le dentiste et les associations de défense des malades. Les lames de prélèvement d'appendices - systématiquement conservées - de 50 malades opérés sont envoyées à l'hôpital Necker de Paris pour être étudiées par un expert anatomopathologiste.
Les résultats de l'expertise reviennent rapidement : sur les 50 lames, une seule est compatible avec une appendicite aiguë. Les autres sont strictement normales. La majorité des malades a donc vraisemblablement été opéré pour rien.
" Nous avons repris tous les dossiers, revu les résultats des prises de sang, interrogé de nouveau avec précision les malades sur leurs symptômes avant l'intervention, nous raconte le docteur Philippe Quénel, chargé de l'enquête au RNSP. En réalité, seule une minorité décrivait des symptômes compatibles avec le tableau clinique habituel d'un syndrome appendiculaire aigu." Les personnes opérées souffraient de différents types de troubles digestifs. Mais en tout cas pas d'appendicites dans la grande majorité des cas.
Agression
Au bout du compte, les limiers de la Santé publique ont remis fin août un rapport au préfet, concluant qu'il n'y a pas eu d'épidémie d'appendicites mais seulement une épidémie d'appendicectomies due à une mauvaise prise en charge médico-chirurgicale.
Il faut savoir que sur l'île, un nouveau médecin, auparavant installé en Bretagne, était arrivé en août 1995. Chaque fois ou presque qu'un patient se plaignait de douleurs abdominales, il l'envoyait rapidement à la clinique de Pointe-à- Pitre. Le même chirurgien opérait immédiatement sans se poser plus de questions, semble-t-il.
Le médecin a quitté l'Île, après avoir été victime d'une agression. Le conseil régional de l'Ordre des médecins, saisi par la DDASS, l'a blanchi, ainsi que le chirurgien, estimant notamment que le diagnostic d'appendicite est difficile. Un nouveau généraliste s'est installé à La Désirade. Pour l'année 1997, la situation est presque redevenue normale 14 personnes seulement ont été opérées.
L'histoire n'est pas totalement terminée. " Il est souhaitable d'étudier les mécanismes psychosociologiques qui ont contribué À la survenue de ce phénomène, suggère le docteur Quénel, ainsi que la pré valence et si nécessaire l'origine des troubles digestifs chroniques dans cette population. "
Plusieurs enquêtes administratives sont encore en cours et le Conseil national de l'Ordre des médecins a été saisi de ce dossier.