Analyse de la version des autorités sanitaires

Docteur Jérôme MANUCEAU

Nous allons faire ici, l'analyse du résumé du Rapport d'Investigation du RNSP.
Les phrases en bleu sont celles du rapport, qui sont analysées.


RAPPORT D'INVESTIGATION DU RÉSEAU NATIONAL DE SANTÉ PUBLIQUE (RNSP)

"Épidémie d'appendicectomies chez les habitants de l'île de la Désirade, Guadeloupe"

28 Août 1996

Le titre est à lui seul une véritable provocation : une diffamation pour les médecins, une insulte pour les Désiradiens. Le terme "appendicectomie", désigne l'acte chirurgical qui consiste à enlever l'appendice. En utilisant le mot appendicectomie au lieu du mot "appendicite" qui désigne la maladie appendiculaire, ils laissent clairement sous-entendre que les appendices enlevés étaient sains et par conséquent, que les Désiradiens ont été opérés à tort.

Le 7 mars 1996, le Service d'Action Sanitaire de la Direction Départementale de l'Action Sanitaire et Sociale (DDASS) contacte le Réseau National de Santé Publique ...

› Étant donné que les problèmes ont commencé début octobre 1995, on peut s'étonner du peu d'empressement de la DDASS, qui a attendu cinq mois avant d'alerter le RNSP. De plus, le 9 avril 1996, soit un mois après, la Directrice de la DDASS écrivait au Préfet :
Deux hypothèses se dégagent (pouvant être intriquées) :

  • problème infectieux d'origine non déterminée donnant des tableaux abdominaux
  • installation d'une "terreur" à partir de quelques cas groupés, dus au hasard (un seul interlocuteur médical et chirurgical, difficulté d'un rapatriement en urgence sur une île isolée?)
Avant d'avoir entamé la moindre enquête, la DDASS avançait l'hypothèse d'une "psychose", mettant ainsi en cause les médecins et dégageant toute sa responsabilité.

Absence de description dans la littérature internationale d'épidémies d'appendicites aiguës.

› Cette remarque qui revient dans tous les rapport officiels sur cette affaire, sous-entend que cette épidémie ne peut pas exister.
Curieux raisonnement pour de soi-disant scientifiques ! Qu'y avait-il dans la littérature médicale mondiale, sur le sida, la "vache folle", l'amiante, ou le virus Ebola, avant leur découverte ? Les drames qui ont suivi, ont été l'oeuvre de situations où étaient étroitement liés, des technocrates et des politiques peu scrupuleux, à des groupes et des intérêts financiers puissants. C'est exactement ce que l'on retrouve dans l'affaire de la Désirade.

cette augmentation anormale du nombre d'appendicectomies à la Désirade amenait à envisager trois hypothèses :

› Examinons ces trois hypothèses :

  1. Celle d'une ... yersiniose

    Hypothèse inutile, puisque le Dr Manuceau l'avait éliminée par des sérologies et la mise en culture des appendices de ses patients, depuis janvier 1996.

  2. Celle d'une épidémie d'affections digestives aiguës (ou non) à tropisme abdominal,

    c'est bien de cela qu'il s'agit, puisque ce sont des appendicites aiguës. Sachant que l'on ne connaît pas la cause des appendicites aiguës, aucune recherche ne pourra, ni confirmer ni infirmer leur existence.

    cette affection pouvant être d'origine infectieuse (alimentaire ou hydrique) ..., parasitaire (alimentaire ou tellurique), ou toxique (d'origine hydrique ou alimentaire)

    Pour tester les différentes hypothèses émises, que croyez vous qu'ils aient fait comme recherches ? AUCUNE ! Aucune analyse alimentaire (pourtant la DDASS a inspecté la cantine scolaire le 12 janvier 1996), aucune analyse tellurique. Quant aux analyses d'eau, le Pr Hartemann (cf page : Annexe / Témoignages des médecins et scientifiques / Hartemann) a été très clair : elles n'éliminent aucune hypothèse et sûrement pas celle de la responsabilité de l'eau. Quant aux analyses qu'ils ont "oublié" de nous présenter, celles du 19 avril 1996, elles sont éloquentes par leurs conclusions : eau non potable.

  3. Celle de l'existence de troubles digestifs de nature non épidémique.

    C'est cette solution qu'ils vont retenir. Elle sera explicité dans la conclusion. Nous y reviendrons.

› Méthodes

Une collecte exhaustive et continue des cas d'appendicectomies a été mise en place

Comme l'a expliqué le Dr Le Cabellec, cette collecte avait été mise en place depuis le 1er octobre 1995, non pas pour les appendicites, mais pour toutes les affections de la Désirade. En effet il avait été désigné par la DDASS, médecin sentinelle.

Les dossiers d'hospitalisation des personnes appendicectomisées ont été étudiés

Ils laissent croire qu'ils ont étudié tous les dossiers des malades. En fait, il s'agit des 80 premiers dossiers du Dr Manuceau, confiés au Dr De Lacroix, fin juin 1996. Ils n'ont eu donc que le tiers des dossiers et cela à la fin de la crise. En sachant qu'à partir d'un dossier on ne peut en aucun cas, affirmer ou éliminer une appendicite, on comprend le peu d'intérêt de cette étude (cf page : Aspect médical / Qu'est-ce qu'une appendicite).

Expertise anatomopathologique d'un échantillon de 53 lames d'appendicectomies

Il s'agit de l'expertise histologique des 53 premiers appendices par l'Hôpital Necker. Remarquons qu'ils appellent cela, un échantillon, ce qui est absurde. Un échantillon n'a de valeur statistique que s'il est prélevé aléatoirement sur toute la population étudiée.

Une enquête épidémiologique a été menée auprès des cas "récents"

Ils ont interrogé les derniers patients, ceux du mois de juin 1996. Rappelons qu'un interrogatoire n'a aucune valeur diagnostique. Cet interrogatoire a été mené en partie par des infirmières.

C'est ici que l'on s'aperçoit qu'il s'agit d'un dossier monté de toute pièce. Même si l'on considère normal que les enquêteurs ne sachent rien en matière d'appendicite (ils ne sont pas chirurgiens), comment peut-on admettre qu'ils n'aient consulté aucun spécialiste ! Ce qui est plus grave encore, c'est l'erreur de méthodologie épidémiologique (cf page : Annexe / Témoignage du Pr Noirclerc). En effet, les trois groupes de malades cités ci-dessus, ne constituent pas des échantillons au sens statistique du mot. Ils ne pouvaient donc tirer aucune conclusion. Cela, ils ne pouvaient pas l'ignorer : ils sont épidémiologistes.

Une enquête environnementale visant à étudier la qualité de l'eau du réseau de distribution.

Nous y reviendrons, mais nous savons déjà qu'elle n'a aucune valeur scientifique.

Une étude du portage infectieux ou parasitaire a été menée au sein de la population de l'île.

Il s'agit des analyses de sang et les coprocultures faites par les Drs Le Cabellec et Manuceau.

On peut tirer deux conclusions de ce brillant exposé des méthodes :

  • Aucune recherche étiologique n'a été entreprise par les autorités sanitaires,
  • Ils se sont contentés de mener des enquêtes épidémiologiques, dont le contenu est vide et la méthodologie grotesque. Précisons que ces enquêtes ont été menées en juillet 1996, soit 9 mois après le début de la première épidémie et après sa fin (fin juin 1996).

› Résultats

Une collecte exhaustive et continue des cas d'appendicectomies a été mise en place

2 périodes: une période allant d'août 1995 à avril 1996 (49% des cas) au cours de laquelle le nombre de cas hebdomadaire moyen est de 3, suivie d'une période allant de mai 1996 à juillet 1996 (51% des cas) correspondant à l'acmé de l'épidémie avec un nombre de cas hebdomadaire moyen égal à 10.

C'est une affirmation fausse. Il suffit de regarder la courbe des appendicectomies. En fait, entre août 1995 et juin 1996, nous avons une courbe (cf page : Annexe / Liste des patients / Statistiques des Histologies) ascendante de type exponentiel qui s'effondre brutalement fin juin, lorsque le Dr Le Cabellec a demandé aux Désiradiens de ne plus boire l'eau du réseau. Cela est une preuve absolue bien qu'indirecte, de la responsabilité de l'eau. La forme de la courbe suggère, l'action cumulative d'un toxique.

La quasi totalité des cas (96%) ait été adressée à un chirurgien par le médecin de l'île pour suspicion d'appendicite aiguë.

C'est faux. Le Dr Manuceau a opéré 80% des Désiradiens (cf page : Annexe / Liste des patients). Les enquêteurs ne savaient pas que chaque médecin adresse préférentiellement ses patients à un spécialiste, appelé correspondant, auquel il a confiance.

L'ensemble des données cliniques et biologiques disponibles n'est pas en faveur de l'existence d'affections inflammatoires ou infectieuses aiguës ou subaiguës, ni d'affections parasitaires ou toxiques.

Quel rapport avec l'appendicite aiguë ? Nous avons vu que seule la douleur est constante dans les appendicites aiguës. Tous les autres signes peuvent être absents.

L'expertise anatomopathologique des 53 lames d'appendicectomie réalisée par le service de l'hôpital Necker ne confirme le diagnostic d'appendicite aiguë que dans un cas.

Ici, ils confondent habilement le terme d'appendicite aiguë utilisé par les histologistes et celui utilisé par les cliniciens. Tout médecin sait, qu'il n'y a aucun parallélisme entre les deux. Si bien qu'une appendicite aiguë clinique, peut se traduire par une atteinte mineure en histologie et inversement.

La deuxième forfaiture, est d'avoir laissé croire, qu'à part une lame, toutes les autres étaient strictement normales (dans l'article du Figaro ils l'affirment clairement). Tant que l'expertise était tenue secrète, il était difficile de les contredire. Mais l'Ordre National des Médecins a demandé cette expertise en juillet 1998. La DDASS ne lui a présenté que la liste récapitulative (cf page : Annexe /Expertise des Histologies). Et c'est avec stupeur que l'on découvre qu'aucun appendice n'est qualifié de normal et encore moins de strictement normal. En fait tous les appendices décrit dans cette expertise, présentent des lésions et sont donc parfaitement compatibles avec des signes cliniques d'appendicite aiguë.

Seule une minorité des personnes interrogées ont présenté des symptômes compatibles avec le tableau clinique habituel d'un syndrome appendiculaire aigu.

Ici les enquêteurs du RNSP, étalent avec beaucoup de force, leur ignorance en matière d'appendicite. Il est vrai qu'ils n'ont aucune compétence en chirurgie et qu'il n'ont demandé l'avis d'aucun chirurgien. En fait ils ne savent pas qu'un seul élément permet de discuter un diagnostic d'appendicite : l'examen clinique du patient. Cela a été confirmé par quelques chirurgiens incontestables (cf page : Annexe / Témoignages). Or, ni les Drs Quénel et Infuso, ni les médecins de la DDASS, n'ont examiné les patients, malgré l'insistance des Drs Le Cabellec et Manuceau.

Le pourcentage de sujets dont la symptomatologie douloureuse avait été améliorée par l'intervention était de 60%.

Outre le fait que ce chiffre est fantaisiste (seuls des malades de juin 1996 ont été interrogés et certains par des infirmières), il n'en est pas moins vrai, que les patients n'ayant pas d'appendice et buvant l'eau du réseau, présentaient des douleurs abdominales diffusent isolées, qui n'étaient soulagées que par les anti-inflammatoires.

Deux enquêtes familiales

Il est impressionnant de voir que des soi-disant épidémiologistes, puissent déduire à partir de l'interrogatoire de deux familles, l'absence d'histoire clinique commune à tous les cas, ni d'éléments cliniques permettant d'évoquer un phénomène de toxi-infection collective ou d'infection à transmission inter humaine, déductions qui semblent concerner toute la population !

Les examens de selles réalisés dans la population ne montrent pas d'infestation parasitaire ni de contamination bactérienne anormalement fréquentes.

Ils oublient de dire que ces analyses ont été faites par les Drs Le Cabellec et Manuceau sur une partie des patients. La DDASS et le RNSP n'ont fait aucune analyse, de quelque nature que ce soit.

Les résultats du contrôle sanitaire de l'eau effectués en octobre, novembre et décembre 1995 sont conformes à la réglementation, et les analyses effectuées par le CRECEF en juillet 1996 ne montre pas de contamination chimique de l'eau.

Il est étonnant que des enquêteurs qui savent (ils sont arrivés le 22 juillet 1996), que l'épidémie s'est arrêtée fin juin 1996, à l'arrêt de la consommation de l'eau du réseau, se contentent de quatre analyses de conformité de l'eau! Curieusement il n'y a rien entre décembre 1995 et juin 1996. Lorsque l'Ordre National des Médecins a demandé ces analyses, la DDASS n'a présenté que celles du 19 avril 1996 qui affirmaient cinq fois sur six : EAU NON POTABLE.

› Conclusions

L'ensemble des données épidémiologiques. cliniques. biologiques et anatomopathologiques permet d'écarter l'hypothèse d'une épidémie d'appendicites aiguës

Et voilà pourquoi votre fille est muette, faisait dire Molière, à un médecin charlatan, comme conclusion d'un discours savant, mais vide de tout sens. C'est exactement la même chose ici : un discours scientifique, au service d'une méthodologie fausse, appliquée à des données fausses. La conclusion ne peut être que FAUSSE.

Existence, au sein de la population, de troubles du transit chroniques qui pourraient expliquer la fréquence de consultations pour douleurs abdominales

Encore une contre vérité : il n'y a pas et il n'y a jamais eu de troubles du transit à la Désirade (en tout cas pas plus qu'ailleurs). Au cours de l'épidémie il n'y a eu que des douleurs abdominales isolées, localisés dans le flan droit chez ceux qui avaient leur appendice et diffuses chez ceux qui ne l'avaient plus.

Ces troubles pourraient être en rapport soit avec les habitudes alimentaires de la population,

Comme les troubles ont commencés fin septembre 1995, on doit supposer qu'à cette date, la population Désiradienne a changée brutalement d'habitudes alimentaires...!

soit avec un déséquilibre de la flore intestinale des habitants en rapport avec une consommation fréquente d'antibiotiques.

Là encore, on ne peut que s'étonner : des antibiotiques qui donnent des douleurs isolées du flan droit, ce n'est pas connu dans la littérature médicale.

La distribution géographique des cas d'appendicectomie, ..., pouvait faire évoquer une contamination du château d'eau. Cependant, le fait que la zone correspondant au Bourg (alimentée par l'eau provenant du réservoir) présente un taux d'incidence d'appendicectomies équivalant à la zone Ouest (alimentée en direct par la canalisation amenant l'eau sur l'île) n'est pas en faveur d'une telle hypothèse.

Dans la page consacrée à ce sujet (cf page : Aspect Medical / Répartition Géographique des Appendicectomies), nous montrons que cela est totalement faux : il y a une différence significative du taux d'appendicectomies entre les Galets (extrémité Ouest de l'île) et le reste de l'île en excluant les Sables qui est une zone intermédiaire. Il est donc certain que le Château d'Eau ou les canalisations qui en partent sont responsables du problème.

L'épidémie d'appendicectomies qui a été observée est probablement liée aux modalités de prise en charge par les structures de soins auxquelles les habitants ont eu recours à l'occasion de troubles digestifs mineurs. Dans un contexte insulaire et du fait du recours à une filière médico-chirurgicale unique dont les réponses ne semblent pas avoir été appropriées, un climat d'inquiétude a vraisemblablement été à l'origine de cette flambée épidémique d'appendicectomies.

Cette conclusion est une diffamation des Drs Le Cabellec et Manuceau et une insulte de la population Désiradienne. Elle a été exprimée avec plus de clarté dans Le Figaro du 2 janvier 1998, qui titrait :

Une terre antillaise ravagée par un mal mystérieux
Psychose de l'appendicite sur l'île de La Désirade
Les médecins avaient confondu des troubles digestifs
avec l'inflammation de l'appendice... Enquête sur une panique.

et concluait :

il n'y a pas eu d'épidémie d'appendicites mais seulement une épidémie d'appendicectomies due à une mauvaise prise en charge médico-chirurgicale.

Comment peuvent ils expliquer que la "psychose" ai touchée d'abord les enfants (parfois très jeunes), les quatre premiers mois ? Comment se fait-il qu'une "psychose" ou une "panique" qui dure neuf mois et recommence un an après, soit un phénomène inconnu en psychiatrie ?

Cette épidémie a pris fin puisqu'un seul habitant de la Désirade a été appendicectomisé depuis le 1er août 1996

Une contre vérité supplémentaire (cf pages : Aspect Médical / Evolution de l'épidémie / Quelques chiffres, et Aspect médical / Evolution de l'épidémie / Courbe des appendicectomies août 1996 à octobre 1997)