L'affaire de la Désirade
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› Deux députés ont interrogés les secrétaires d'État à la santé sur les problèmes de santé de la Désirade :
Patrice Tirolien, député socialiste, a interrogé le 12 mars 1997, Monsieur de Peretti ;
André Aschieri a interrogé Monsieur Kouchner, le 22 décembre 1997.
La réponse est dans les deux cas identique. Visiblement, ils ne sont pas troublés par le fait que ce sont leurs propres services, qui sont responsables du drame et qui sont chargés de l'enquête.


EXTRAIT DU JOURNAL OFFICIEL DE LA REPUBLIQUE FRANCAISE


» Position de Mr. Peretti

Séance du mercredi 12 mars 1997


Monsieur le président. La parole est à M. Patrice Tirolien.

M. Patrice Tirolien. Par lettre du 16 juillet 1996, j'ai appelé l'attention du secrétaire d'État à la santé sur la situation préoccupante et les risques sanitaires à La Désirade : dc nombreux troubles observés chez les consommateurs d'eau courante, plus 200 cas d'appendicite en moins de trois mois et une tentative d'assassinat sur la personne d'un médecin contestant les résultats des analyses effectuées par l'administration de tutelle.

Dans sa réponse du 28 août 1996, il m'a indiqué : "La possibilité d'une pathologie liée à l'eau est éliminée par les résultats négatifs de tous les contrôles effectués".

Récemment, la presse guadeloupéenne s'est fait l'écho, sans avoir jamais été démentie, dc résultats d'analyses émanant de l'Institut Pasteur et de laboratoires privés qui mettaient formellement en doute la version officielle. C'est bien la qualité dc l'eau qui semble mise en cause dans cette affaire. De surcroît, l'état des canalisations ne serait pas étranger au trouble qui a frappé la population.

Le Gouvernement peut-il faire le point sur l'origine du mal qui a frappé la population désiradienne et sur les mesures qu'il compte prendre pour y remédier ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'outre-mer.
M. Jean-Jacques de Peretti, ministre délégué à l'outre-mer. Monsieur le député, permettez-rnoi d'associer Hervé Gaymard à ma réponse.

Tous les prélèvements et analyses concluent à la potabilité dc l'eau à La Désirade.

Il est vrai qu'en 1996 le réseau national dc santé publique s'est inquiété du nombre anormalement élevé d'appendicectomies. Les bases de données du réseau national de santé publique ont permis d'établir que seul un nombre infime de patients - deux ou trois - présentait des symptômes compatibles avec une ablation de l'appendice. J'ajoute que les analyses effectuées à l'hôpital Necker pour 53 patients ont
conclu à l'inutilité dc l'ablation de l'appendice (Exclamation sur les bancs du groupe socialiste).

Monsieur le député, cette affaire a donné lieu à des procédures devant les juridictions compétentes sur lesquelles - vous le comprendrez - il ne m'appartient pas dc mc prononcer.

Quoi qu'il en soit, le Gouvernement met tout en oeuvre pour garantir la qualité de l'eau distribuée aux habitants de La Désirade dans le respect des normes de santé publique.

Des experts indépendants de l'Institut Pasteur se sont rendus sur place. Le résultat de leurs expertise sera examiné par le conseil départemental de l'hygiène qui se réunit sous la présidence du préfet le 20 mars prochain.



» Position de Mr. Kouchner

Lundi 16 mars 1998


› 8192 - 22 décembre 1997 - M. André Aschieri attire l'attention de M. le secrétaire d'État à la santé, sur la situation sanitaire de l'île de la Désirade. La population de la Désirade, petite île de 1600 habitants, éloigné de 15 kilomètres de la Guadeloupe, a été victime de problèmes graves de santé. Il y a eu deux épidémies : la première entre octobre 1995 et juin 1996, la deuxième entre avril 1997 et juin 1997. La première épidémie s'est arrêté brutalement fin juin 1996 lorsque le médecin de l'île a demandé à tous les Désiradiens de ne plus boire l'eau du réseau. L'enquête menée par deux épidémiologistes du RNSP (réseau national de santé publique), à la demande de la DDASS locale, fin juillet 1996 (soit dix mois après le début de la première épidémie et trois semaines après la fin) a conclu : qu'il n'y avait jamais eu de problèmes de santé publique sur la Désirade ; que la population a été victime d'une psychose collective ; que les responsables de cette psychose sont les deux médecins qui s'occupaient de la population ; enfin, que la qualité de l'eau était irréprochable. Cependant : le médecin de l'île qui a osé mettre en cause l'eau, avec virulence et publiquement, a été poignardé. Il a suffi de deux jours d'enquête aux gendarmes pour conclure à une tentative de suicide. Or cette conclusion a été mise en pièce par un médecin légiste ; l'ordre régional des médecins a donné raison aux deux praticiens qui ont été mis en cause par le rapport du RNSP et par la DDASS locale ; les rares analyses d'eau effectuées au cours de la première épidémie et rendues publiques concluent à une eau non potable ; la campagne des autorités sanitaires, en mars 1997, en faveur de la qualité de l'eau, déclenche la deuxième épidémie. Celle-ci s'arrête tout aussi brutalement que la première, dés que les médias mettent les Désiradiens en garde contre l'eau du réseau. Il lui demande ce qu'il compte faire pour venir en aide à une population pauvre, victime de problèmes graves de santé et qui a le sentiment d'être abandonnée par le pouvoir politique et par la DDASS locale.


› Réponse. - Le caractère exceptionnel et unique de la situation sanitaire à laquelle s'est trouvé confrontée, depuis 1995, la population de l'île de la Désirade dans le département de la Guadeloupe, caractérisée par un nombre, élevé de personnes ayant subi une appendicectomie, ainsi que quelques épisodes de contamination de l'eau distribuée, a motivé une enquête approfondie des services sanitaires.
Il ressort des investigations menées que, en aucun cas, ces épisodes de contamination bactériologique ne peuvent expliquer que ce soit par leur nature, leur fréquence ou leur niveau, un phénomène épidémique au long court. De plus, aucune épidémie en rapport avec une maladie identifiable n'a pu être retrouvée et la seule explication possible finalement de cette série d'appendicectomies est celle d'une prise en charge inadaptée des malades. Les dernières informations communiquées au secrétaire d'État à la santé montrent que la qualité bactériologique de l'eau distribuée est restée satisfaisante depuis le 1er février 1997, seul 1 prélèvement sur 28 a mis en évidence une légère contamination de l'échantillon prélevé, et qu'il ne peut être conclu à une recrudescence du nombre de cas d'appendicites dans l'île de la Désirade pendant l'année 1997. En conséquence, il n'a pas paru utile de prendre des mesures particulières. Il a été cependant demandé au préfet de maintenir un suivi de la situation sanitaire et de mettre en place une surveillance renforcée de la qualité de l'eau distribuée, en prévoyant, le cas échéant, une information de la population dans le cas où des signes de contamination bactériologique seraient détectés.