Décision du Conseil National
de l'Ordre des Médecins

Docteur Manuceau




SECTION DISCIPLINAIRE
DU CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MÉDECINS
180, boulevard Hausmann - 75008 PARIS
Téléphone : 01.53.89.32.00 - Télécopie : 01.53.89.32.38

Dossier n° 6590
Dr Jérôme MANUCEAU
Décision du 9 Juillet 1998


LA SECTION DISCIPLINAIRE DU CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MÉDECINS,


Vu, enregistrés au secrétariat du Conseil national de l'Ordre des médecins les 4 mars 1997 et 17 avril 1997, la requête et le mémoire présentés par le directeur des affaires sanitaires et sociales de la Guadeloupe, dont le siège est Bisdary - 97113 GOURBEYRE, et tendant à ce que la section annule une décision, en date du 14 décembre 1996, par laquelle le conseil régional des Antilles et de la Guyane française, statuant sur la plainte du même directeur départemental des affaires sanitaires et sociales a relaxé le Dr Jérôme MANUCEAU, qualifié spécialiste en chirurgie, exerçant centre d'affaires de Bergevin, Immeuble en verre Rez-de-chaussée - 97110 Pointe-à-Pitre, des fins de la poursuite engagée à son encontre,

par les motifs que les patients du Dr MANUCEAU lui ont été systématiquement adressés par un même praticien ; qu'il a fait courir à ceux-ci des risques injustifiés, sans avoir pratiqué tous les examens nécessaires ; qu'il a manqué de mesure dans ses propos qu'il n'a pas recherché l'ensemble des éléments qu'il pouvait rassembler pour établir son diagnostic dans les meilleures conditions ; qu'il a pratiqué des analyses sans en informer ses patients ; que le conseil régional, qui n'a pas répondu à l'ensemble de ces griefs, a insuffisamment motivé sa décision et inexactement apprécié les faits soumis à son examen ;

Vu la décision attaquée ;

Vu, enregistrée comme ci-dessus le 20 juin 1997, le lettre par laquelle le Dr MANUCEAU demande le versement au dossier de pièces complémentaires ;

Vu, enregistrés comme ci-dessus les 28 et 30 juillet 1997, les documents complémentaires versés au dossier par le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales de la Guadeloupe ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 8 juillet 1998, le mémoire présenté pour le Dr MANUCEAU, et tendant au rejet de la requête, par les moyens que le Dr MANUCEAU a consciencieusement examiné tous les malades qui lui étaient adressés ; qu'il n'a fait courir aucun risque injustifié aux intéressés en pratiquant les appendicectomies qui lui sont reprochées ; que ces interventions étaient justifiées et ont été utiles aux patients qu'aucun lien de compérage n'a existé entre lui-même et le Dr LE CABELLEC ; que la direction départementale des affaires sanitaires et sociales qui a agi en négligeant les intérêts de la santé publique a également méconnu le secret médical en versant au dossier des documents nominatifs de nature médicale ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le décret du 26 octobre 1948 modifié, relatif au fonctionnement des conseils de l'Ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes et de la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins ;

Vu le code de déontologie médicale ;

Après avoir entendu :

  • Mme le Dr MARCELLI en la lecture de son rapport ;
  • Mme NIEGER, directeur départemental des affaires sanitaires et sociales de la Guadeloupe en ses observations ;
  • Me BENAIEM, avocat, en ses observations pour le Dr MANUCEAU et le Dr MANUCEAU en ses explications ;

Le conseil départemental de la Guadeloupe, dûment convoqué, ne s'étant pas fait représenter ;



APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ,

Considérant qu'après avoir mentionné les articles du code de déontologie médicale et du code de la santé publique auxquels le Dr MANUCEAU aurait, selon la direction des affaires sanitaires et sociales de la Guadeloupe, contrevenu, le conseil régional, s'il n'a pas analysé article par article les griefs formulés à l'encontre de ce médecin, a indiqué les raisons pour lesquelles il estimait que l'intéressé n'avait manqué à aucune de ses obligations ; qu'il a ainsi suffisamment motivé sa décision ;

Considérant qu'aux termes de l'article 33 du code de déontologie médicale : "Le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire en s'aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s'il y a lieu, de concours appropriés." ; que l'article 40 dispose que : "Le médecin doit s'interdire, dans les investigations et interventions qu'il pratique comme dans les thérapeutiques qu'il prescrit, de faire courir au patient un risque injustifié" ;

Considérant que le Dr MANUCEAU, chirurgien installé à Pointe-à-Pitre, a pratiqué d'août 1995 à juillet 1996 de nombreuses appendicectomies sur des patients en provenance de l'île de la Désirade que, si les difficultés de la situation sanitaire existant dans cette île, où se multipliaient des troubles abdominaux, à l'origine incertaine, pouvaient justifier les premières de ces interventions chirurgicales , et s'il est établi par l'instruction qu'aucun compérage n'a existé entre le Dr MANUCEAU et le Dr LE CABELLEC, qui examinait les patients sur l'île de la Désirade, le Dr MANUCEAU a néanmoins commis une faute en continuant pendant près d'un an de pratiquer de façon répétitive et systématique un acte chirurgical dont la nécessité n'était pas assurée et qui présentait dès lors pour les patients un risque injustifié qu'il lui appartenait au cours de cette période, de rechercher, le cas échéant auprès d'autres praticiens, des éclaircissements complémentaires afin de mieux assurer son diagnostic et de limiter ses interventions aux nécessités constatées ; que le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales de la Guadeloupe, dont les productions au dossier n'enfreignent pas les règles du secret médical, est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que, par la décision attaquée, le conseil régional a relaxé le Dr MANUCEAU des fins de sa poursuite engagée à son encontre ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment des difficultés de la situation dans laquelle il est intervenu, il sera fait une juste appréciation de la faute commise par le Dr MANUCEAU au regard des articles 33 et 40 précités du code de déontologie médicale, en lui infligeant un blâme.



PAR CES MOTIFS DÉCIDE :

Article 1 : La décision du conseil régional des Antilles et Guyane française du 14 décembre 1996 est annulée.

Article 2 : Un blâme est infligé au Dr MANUCEAU.

Article 3 : Les frais de la présente instance, s'élevant à 704 F, sont mis à la charge du Dr Jérôme MANUCEAU et devront être réglés dans le mois suivant la notification de la présente décision.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au Dr MANUCEAU, au conseil départemental de la Guadeloupe, au conseil régional de Antilles et Guyane française, au directeur départemental des affaires sanitaires et sociales de la Guadeloupe, au directeur régional de la sécurité sociale des Antilles et de la Guyane, au préfet de la Guadeloupe, au préfet de la région des Antilles et de la Guyane, au Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, au ministre chargé de la santé.

Ainsi fait et délibéré à l'issue de l'audience publique du 9 juillet 1998 par : M. STIRN, Conseiller d'État, président ; Mme le Dr MARCELLI, MM. les Drs MONIER, NATTAF, WERNER, membres titulaires.

LE CONSEILLER D'ÉTAT, PRÉSIDENT DE LA SECTION DISCIPLINAIRE
DU CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MÉDECINS

B. STIRN
LE SECRÉTAIRE DE LA
SECTION DISCIPLINAIRE

I. LEVARD