Appel de Mme Nieger au Conseil Nationnal
de l'Ordre des Médecins

Directrice de la DDASS

> Appel à l'Ordre des Médecins National
> Mémoire de l'Appel




PRÉFECTURE DE LA GUADELOUPE
DIRECTION DÉPARTEMENTALE DES AFFAIRES
SANITAIRES ET SOCIALES
Inspection Départementale de la Santé
43, rue du Père Labat -97100 BASSE TERRE
Téléphone : 81.90.84 - Fax : 81.91.64
SERVICE : Direction
AFFAIRE SUIVIE PAR : Madame NIEGER
LE DIRECTEUR DÉPARTEMENTAL DES AFFAIRES
SANITAIRES ET SOCIALES
Poste : 633 A
Réf. : LN/YG/97- 58/DIR

27 février 1997
A
Monsieur le Président du Conseil National
de l'ordre des Médecins

Section Disciplinaire
180 Boulevard Haussman
75008 PARIS


Monsieur le Président,

J'ai l'honneur d'interjeter appel contre les décisions du Conseil Régional de l'Ordre des Antilles et de la Guyane prises après sa séance du 14 décembre 1996, suite à une plainte contre les Docteurs Jérôme MANUCEAU et Louis-Marie LE CABELLEC.
La décision est parvenue dans mes services le 14 février 1997.
Vous voudrez bien trouver ci-joint copie des notifications ainsi que les décisions ordinales.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de mes respectueuses salutations

LE DIRECTEUR
Lucina NIEGER





PRÉFECTURE DE LA GUADELOUPE
DIRECTION DÉPARTEMENTALE DES AFFAIRES
SANITAIRES ET SOCIALES
Inspection Départementale de la Santé
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AFFAIRE SUIVIE PAR : Madame NIEGER
LE DIRECTEUR DÉPARTEMENTAL DES AFFAIRES
SANITAIRES ET SOCIALES
Poste : 99.49.01
Réf. : LN/YG/97-108/DIR

9 Avril 1997
A
Monsieur le Président du Conseil National
de l'ordre des Médecins

Section Disciplinaire
180 Boulevard Haussman
75008 PARIS

Monsieur le Président,

J'ai l'honneur d'accuser réception de vos courriers ci-dessus référencés.

Vous voudrez bien trouver ci-joint le mémoire sollicité ainsi que toutes les pièces mentionnées (en trois exemplaires).

A toutes fins utiles, je vous adresse copie de la lettre de notification de la décision qui accompagnait la décision attaquée, déjà transmise dans mon courrier du 27 février 1997.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de mes respectueuses salutations.

LE DIRECTEUR
Lucina NIEGER


MÉMOIRE

En appel d'une décision du Conseil Régional des Antilles et de la Guyane Française de l'Ordre des Médecins Affaires n° 6589 et 6590

I - Rappel des faits

Le Dr Le Cabellec, a pris ses fonctions dons le département à partir d'août 1995. Seul médecin de l'île de la Désirade, dépendance de la Guadeloupe de 1.605 habitants, il a adressé systématiquement ses patients qui souffraient de douleurs abdominales pour appendicite au chirurgien Dr Manuceau qui a pratiqué des appendicectomies sur 14 % de la population.

> Devant l'ampleur du phénomène, la Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales entreprend différentes enquêtes :

1. Contrôle de la cantine scolaire mise en cause par le Dr Le Cabellec,
2. Recherche de Yersinia par coprocultures et examens parasitologiques des selles,
3. Demande au médecin de l'île d'adresser les patients pour examen au service de maladies infectieuses du Centre Hospitalier Universitaire pour bilan plus précis - demande très partiellement suivie. Refus de donner au service de la D.D.A.S.S. des renseignements plus précis s'abritant derrière le secret médical,
4. Au cours du mois de juin, 120 dossiers de patients opérés par le Dr Manuceau, à la demande du Dr Le Cabellec sont examinés par les médecins inspecteurs,
5. Examen des 53 lames d'anapath par le Professeur Brousse - Hôpital Necker, résultats non en faveur des appendicites
6. Enquête effectuée à la Désirade par le Réseau National de Santé Publique conclut à une pratique médicale non adaptée.

> La D.D.A.S.S. introduit une action devant le Conseil Régional de l'Ordre Antilles-Guyane aux motifs du non-respect des articles 6, 8, 13, 20, 32, 33,35, 40, 45 du Code de Déontologie et à celui de la non-application de l'article R. 7102-1 du Code de la Santé Publique.

> Par décision du 14 décembre 1996 notifiée le 14 février 1997, le Conseil Régional relaxe les deux médecins, aux motifs que :

- Les faits reprochés sont de pratique habituelle et ne constituent pas une faute et qu'il n'y a pas eu de "compérage"
- Le dévouement du Dr le Cabellec est reconnu et la situation d'urgence dans laquelle il se trouvait face à un fléau justifie ses décisions.

> La D.D.A.S.S., en vertu de l'art. L.4 17, interjette appel de cette décision devant le Conseil National :

- Pour absence de réponse et d'examen des griefs invoqués,
- Pour interprétation tendancieuse des faits.
En effet les arguments sur lesquels le Conseil Régional de l'Ordre fonde sa décision de relaxe sont des arguments contestables, non conformes à la réalité exposée par la D.D.A.S.S., de plus, il n'a pas été porté de réponse aux différents manquements au code de déontologie.

II - Moyens évoqués devant le Conseil Régional de l'Ordre des Médecins

Non respect des articles 6, 8, 13, 20, 32, 33, 35, 40, 45, du Code de Déontologie.
Le Conseil Régional n'a pas statué sur les différents griefs faits aux Docteurs Manuceau et Le Cabellec et pour relaxer les deux praticiens, s'appuient sur des formules vagues et générales.

Les moyens évoqués :

> Art. 6 - libre choix du médecin : "Le fait d'adresser préférentiellement ses patients constitue une pratique habituelle fondée sur la confiance n'est pas une faute", conclut le conseil régional dans un de ses attendus.
Il y a eu adressage systématique, sans informer la population d'un choix possible et malgré les propositions faites par les services de la D.D.A.S.S. de faire pratiquer au préalable des recherches complémentaires.
Cette attitude peut paraître surprenante dans une situation exceptionnelle, jamais décrite antérieurement dans le monde, qu'eux-mêmes les deux médecins, classait épidémie d'appendicite. Ils ne se sont ni l'un, ni l'autre entourés d'autres avis.

> Art. 8 et 40 - "le médecin doit tenir compte des avantages, des inconvénients et des conséquences des différentes investigations et thérapeutiques".

Les interventions ont été pratiquées sans attendre les résultats des examens complémentaires prescrits et parfois même, après examens négatifs. Ainsi, le praticien a fait courir un risque supplémentaire aux patients.

L'exérèse d'un appendice sain n'est pas sans conséquences, telles les complications occlusives du grêle, sans relation avec le degré d'inflammation de l'appendice réséqué.
Ces appendicectomies furent toutes pratiquées sous endoscopie, le Dr Manuceau affirme faire une étude dans ce domaine (article 7Mag n° 894 du 8 août 1996 - page 14).
Des patients qui se sont présentés pour une autre pathologie (hernie, phymosis) ont été opérés, ci-joint lettre au Conseil Régional de l'Ordre des Médecins du 2 décembre 1996 (réf. LN/YG/96-350/DIR).

Le Dr Manuceau s'est privé des avantages pour le patient et pour lui-même, d'un diagnostic à partir des examens complémentaires non invasifs et admis scientifiquement (NES, VS...), pour réaliser systématiquement une coelioscopie abdominale (geste invasif à risque), pour contrôler l'inflammation de l'appendice avant de l'ôter (cf. décision du Conseil Régional de l'Ordre).

De son étude en cours, Dr Manuceau tire les conclusions (rapport RNSP page 77) :
"En effet, selon lui les appendicites présentent un tableau particulier en Guadeloupe. Il s'agit d'un tableau clinique, biologique et chirurgical différent de ce qui est observé en métropole, en particulier parce que l'appendice est le plus souvent "exclus" de la cavité abdominale du fait d'adhérences fibreuses. Cela explique l'absence de fièvre, l'absence d'altérations biologiques et l'existence de tableaux cliniques subaigus. De p/us, les appendices sont très souvent en position inhabituelle (pelvienne, sous hépatique, retrocoecale, un cas "coincé" à la bifurcation de l'aorte). Il nous précise que ses observations cliniques ne figurent pas dans les dossiers parce qu'il n'a pas le temps et qu'en tant que chirurgien, l'essentiel est de savoir "s'il doit rentrer ou non dans le ventre".

> Art. 13 et 20 - des articles de presse sont joints
Le Conseil de l'Ordre n'a pas examiné ce moyen. En effet, dans de nombreux articles de presse et d'interviews, il a été porté atteinte aux autres confrères, notamment les médecins de la Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales, les Professeurs Strobel et Brousse, le Réseau National de Santé Publique. Il s'agit dans ces allégations, de pratiques contraires à la confraternité.
En outre, dans ces multiples interventions sur les média, les Dr Manuceau et Le Cabellec ont contrevenu aux articles précités, art. 13 et 20 :
· En ne s'appuyant pas sur des données scientifiques sûres pour faire état du lien de causalité qui existerait entre une eau non potable (quant elle le serait) et l'appendicite.
· N'ont pas fait preuve de mesure dans leurs propos en tant que médecin ; ces campagnes médiatiques ont induit des comportements pathogènes pour la population : consommation de l'eau des citernes non protégées.

> Art. 32 et 33
Alors qu'ils ont été informés en juillet 1996 que les expertises des anapaths n'étaient pas en faveur d'une appendicite, les interventions ont continué. Ils n'ont pas manifesté la volonté d'effectuer d'autres recherches sur les causes des douleurs abdominales, en dehors de la non potabilité de l'eau. Ils ne se sont appuyés ni sur les avis du Professeur Strobel (service des maladies infectieuses du CHU), ni sur ceux d'autres chirurgiens qui ont récusé l'indication opératoire.

> Art. 35 - des recherches sérologiques du V.I.H. ont été faites sans que les patients en soient avertis.
Le Conseil de l'Ordre n'a pas apporté de réponse sur ce point. Il en est de même pour l'art. 45, les dossiers des patients n'étaient pas renseignés. (copies des dossiers, des lettres du 13 novembre 1996 et du 2 décembre 1996 jointes).

III - Les arguments développés par le Conseil de l'Ordre pour relaxer les Dr Manuceau et Le Cabellec

A - Dr MANUCEAU

A.1 - "Attendu que le Dr Manuceau ... a fait ce qu'attendait de lui son confrère". "Les patients étaient adressés pour appendicectomie, Dr Manuceau opère"-.
Cette argumentation ne peut être retenue car chaque médecin pose librement son diagnostic. Dr Manuceau conserve le droit et l'obligation de porter lui- même son diagnostic avant de décider d'une intervention.

A.2 - "Attendu que tous les patients opérés... s'en sont trouvés améliorés et n'ont eu à déplorer aucune complication notable" -
Le Conseil Régional ne s'appuie sur aucun élément pour proférer ces affirmations, puisque, de l'interrogatoire des désiradiens opérés, pratiqué par le RNSP, il résulte que seul 60 % des personnes opérées disaient avoir été améliorées (cf. rapport RNSP page 4).

A.3 - Attendu que "la classique dissociation anatomo clinique dans l'appendicite peut rendre compte des divergences d'appréciation" "entre Dr Manuceau et le R.NS.P.".
La dissociation anatomo clinique est, nous semble t'il mal interprétée par le Conseil Régional de l'ordre. En effet dans la littérature médicale, il s'agit bien de la présence de signes cliniques évocateurs (température, NFS perturbée, douleurs) et une anatomo pathologie normale, mais non l'inverse.
Or, c'est sur ce principal argument que s'appuie le Conseil de l'Ordre pour réfuter la plainte de la D.D.A.S.S. et relaxer le Dr Manuceau.

B - En ce qui concerne plus particulièrement le Dr LE CABELLEC

Il développe un argumentaire sur la non potabilité de l'eau sans apporter la moindre preuve.
Le Conseil Régional, dans son 1er attendu parle "d'un fléau sanitaire" alors que la littérature et les conclusions du R.N.S.P. n'objective aucune épidémie d'appendicite, mais une série d'interventions due à une prise en charge inadaptée. On ne peut parler de "fléau" au sens propre du terme.

"Attendu que le fait d'adresser" (2ème attendu), la D.D.A.S.S. ne s'est pas fondée sur l'art. 23 qui concerne le compérage, mais sur les articles 32 et 33. La possibilité est laissée au Conseil Régional d'examiner cet aspect de la collaboration de deux médecins, mais ce n'est pas un grief émis par la D.D.A.S.S.

Attendu que "tout indique" (3ème attendu) : De même le dévouement du Dr Le Cabellec n'a pas été mis en cause, mais son jugement médical, ses déclarations inappropriées à la situation, dans la population et dans les média.

Attendu n° 4 qui fait état de la situation d'urgence ne peut non plus être retenu à la décharge du Dr Le Cabellec. En effet l'urgence ne justifie pas la désinvolture et ne dispense pas de l'appréciation du risque encouru par le patient comparativement aux bénéfices qu'il tirerait d'une intervention ou d'une thérapeutique.

La plainte de la DDASS n'était pas fondée sur l'art. 23 du Code de Déontologie, mais bien sur une pratique contraire à l'intérêt du patient, sur des comportements mettant en cause la confraternité, à la santé des populations et aux bonnes pratiques médicales.

La saisine du Conseil National de l'Ordre par la D.D.A.S.S. est opérée dans le souci de protéger la population contre des pratiques médicales et une attitude contraire aux règles de déontologie lorsqu'il y a des risques pour la santé de cette même population.

Qu'il plaise au Conseil National de l'Ordre d'examiner les différents éléments évoqués ci-dessus pour faire droit à la requête présentée par la D.D.A.S.S. contre les Docteurs MANUCEAU et LE CABELLEC.

Gourbeyre, le 8 avril 1997





PRÉFECTURE DE LA GUADELOUPE
DIRECTION DÉPARTEMENTALE DES AFFAIRES
SANITAIRES ET SOCIALES
DE LA GUADELOUPE
SERVICE : Direction
AFFAIRE SUIVIE PAR : Madame NIEGER
DIRECTEUR DÉPARTEMENTAL DES AFFAIRES
SANITAIRES ET SOCIALES
Poste : 99.49.01
Réf. : LN/YG/97-227/DIR

25 juillet 1997
A
Monsieur le Président du Conseil National
de l'ordre des Médecins

Secrétariat de la Section Disciplinaire
180 Boulevard Haussman
75008 PARIS
OBJET : Affaire n° 6589
REF. : Votre courrier IL/ms/SD - R97142156-3 du 5 juin 1997

Monsieur le Président,

Vous avez souhaité que des réponses soient apportées aux interrogations des Docteurs MANUCEAU et LE CABELLEC, lesquelles mentionnées dans votre courrier cité en référence me sont parvenues le 10 juin 1997 (copie de l'accusé de réception joint).

A cet effet, vous voudrez bien trouver ci-joint :
- Tous les communiqués de la D.D.A.S.S. et de la Préfecture adressés à la presse (pièce n° 1),
- Les résultats des analyses d'eau de janvier à mai 1996 accompagnés des commentaires (pièce n°2),
- Le rapport du Professeur BROUSSE concernant les 53 lames confiées par le Docteur GIRODROUX aux médecins du Réseau National de Santé Publique (pièce n° 3). Un compte rendu récapitulatif a été transmis à la D.D.A.S.S., car la lettre de mission rédigée par le R.N.S.P. confiait au Professeur BROUSSE une expertise dans le cadre d'une enquête de santé publique. Les résultats individuels n'avaient pas d'intérêt en tant que tels.

De plus, le compte rendu détaillé des investigations a été saisi par les autorités judiciaires, lesquelles n'ont pas souhaité les remettre lors de l'examen de cette affaire par le Conseil Régional de l'Ordre, alors que la demande leur avait été faite.
Il peut être envisagé, pour répondre aux contestations des deux médecins, de reprendre les lames en cause pour une nouvelle expertise par un groupe d'experts extérieurs au Département de la Guadeloupe.

Quant aux analyses effectuées par le Dr TRIVAL Monique, 4 compte rendus relevés dans les dossiers vous sont également soumis (pièce n° 4).
Il n'est pas possible de fournir les éléments pour l'ensemble des patients opérés à la clinique Saint Joseph-Marie par ce praticien, puisque ceux-ci ont également été saisis dans le cadre de l'enquête judiciaire.

Les malades ayant été majoritairement opérés à la polyclinique, le choix délibéré d'examiner plus particulièrement les dossiers de cette clinique a été fait, (96% des appendicectomisés dans cet établissement).

Le 12 janvier 1996, les ingénieurs sanitaires se sont rendus à la cantine de l'école de Désirade afin de vérifier les applications des bonnes pratiques et la prise en compte des recommandations faites, suite à un contrôle effectué en novembre 1995 par l'Institut Pasteur. Aucune analyse n'a été réalisée ce jour-là.

Concernant le rapport annoncé par Mme le Dr de LACROIX. A l'arrivée des experts du Réseau National de Santé Publique, ceux-ci ont pris en charge l'intégralité du suivi de cette affaire avec les éléments déjà recueillis par les médecins locaux. Mme de LACROIX n'a pas eu à rédiger de rapport, sauf un rapport d'étape qui est joint (pièce n° 5). Sa note ci-jointe (pièce n°6) le confirme.
· Vous trouverez également le rapport de visite effectué par Mme le Dr MAZILLE le 4 avril 1996 (pièce n° 7).

Enfin, pour ce qui concerne le respect du secret médical, je vous confirme que les dossiers ont été examinés par les seuls médecins aptes à émettre un avis médical. Ceux-ci, après compte rendu d'enquête fait au Directeur, ont joint les pièces utilisées. De plus, je rappelle que l'article L. 177 du Code de la Santé autorise le Directeur Départemental à procéder dans les établissements, à toutes investigations, constatations et enquêtes par lui jugées utiles.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de mes respectueuses salutations.

LE DIRECTEUR
Lucina NIEGER